Haïti noir – Collectif

haitinoirTragiquement connue pour son histoire violente et chaotique, ainsi que pour la catastrophe qui l’a frappé en 2010, Haïti est le pays le plus pauvre des Amériques – et l’un des plus riches sur le plan littéraire. Cette anthologie de dix-huit nouvelles, projet lancé avant le tremblement de terre, réaffirme le talent des auteurs contemporains haïtiens, qu’ils vivent sur place ou qu’ils soient issus de la diaspora, sur un terrain où ils ne sont pas forcément attendus : le genre noir. Sont représentés des auteurs aussi bien francophones qu’anglophones.

Avant de commencer cette chronique, je tiens à remercier Babelio et Asphalte pour ce partenariat.

Haïti Noir est un recueil de nouvelles sélectionnées par Edwige Danticat et nous présente un peuple dans sa partie la plus sombre. Dix-huit nouvelles noires, où la criminalité côtoie la magie, où la religion se love contre la pauvreté.

Dix-huit nouvelles, dix-huit auteurs, dix-huit histoires et styles différents. Cette sélection nous présente avant tout la richesse littéraire contemporaine du pays le plus pauvre des Amériques – Haïti. Il serait assez difficile de résumer ici l’ensemble des nouvelles, mais la sélection nous montre les différentes facettes, sombres, de ce majestueux pays. On y découvre la criminalité la plus effroyable avec l’enlèvement de jeunes filles et qui sera rendu en échange d’une rançon, ou encore la croyance que peuvent avoir les plus démunis concernant le vaudou et les esprits. Ces différents textes, finalement, nous montre l’âme d’un pays. Les Haïtiens aiment leur région, leurs voisins, mais les circonstances de la vie difficile les poussent vers d’autres horizons bien différents, et peut-être contestables. Pour ma part, certaines nouvelles sortent du lot. J’ai été touché par Laquelle des deux ? de Evelyne Trouillot qui présente deux mamans enceintes du même père et dont l’une d’elles sera prête à tout pour que sa petite fille puisse avoir un avenir plus joyeux. Le Doigt de Gary Victor utilise l’esprit d’un homme tué pour se venger de ses ravisseurs par le biais d’une bague. L’ultime département de Katia D. Ulysse traite de la tristesse des Haïtiens qui voient leurs proches quitter leur pays et qui sont prêts à tout pour les avoir prêts d’eux.

Haïti Noir est un recueil qui rend hommage à ce pays et à son peuple, malgré le fait que les textes nous montrent plutôt la face sombre, nous découvrons un peuple joyeux, amoureux de sa terre, mais dont les conditions difficiles le poussent, comment n’importe quel personne qui se retrouverait dans ces mêmes conditions, à avoir des actes répréhensibles et parfois complètement altruiste.

Asphalte, grâce à sa série Noir, nous présente une région du globe au plus profond de son âme, où sont cachés les secrets les plus inavouables, mais c’est là que se trouve l’âme… n’est ce pas !

Haïti Noir ne déroge pas à la règle, un recueil à lire car il présente un pays, non pas lissé comme les autres romans que vous trouverez, mais avec du relief. Passionnant.

Je remercie Babelio et Asphalte pour ce partenariat.

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Un alligator nommé Rosa – Marie-Célie Agnant

alligatorUn coin perdu du sud de la France, entre la mer et la montagne. Antoine, nouveau garde-malade, vient au chevet de Rosa, vieille femme fatiguée, usée par la vie. Dans un paysage idyllique, c’est pourtant Haïti qui est au cœur de ce roman où les dialogues prennent des allures de soliloques et où les procès n’ont pas lieu devant un jury. Implacablement, Marie-Célie provoque des rencontres entre un bourreau et sa victime, entre une femme et un homme, un tête-à-tête d’où personne ne sortira indemne. Des années après la mort du dictateur, les blessures sont toujours aussi vives. Pour les panser, certains ont choisi l’exil, d’autres, l’oubli. Chaque fois, il faut partir, partir pour un ailleurs qui est souvent soi. Mais la mémoire veille, brûlante. Alors, il faut parler, dire la douleur, retrouver les mots. C’est ce que fera Antoine, espérant enfin trouver la paix au terme d’une longue errance.

Avant de commencer cette chronique, je tiens à remercier BoB et Vents d’ailleurs pour ce partenariat.

Antoine, une victime du règne des Duvalier, retrouve une tortionnaire ayant pris sa retraite et vivant en France. La première partie du roman traite de cet homme usé par son passé qu’il se remémore continuellement. Son repos, il ne le trouvera que lorsque Rosa aura confessé ou avoué ses crimes. Antoine frise la folie.

La deuxième partie du roman traite de Laura, enfant recueillie par Rosa, qui relate à Antoine son passé. Elle aussi aura la sensation de devenir folle, et c’est ensemble qu’ils trouvent un dénouement pour essayer de refaire surface.

L’auteure nous transporte pendant ces années difficiles qu’aura connu Haïti à travers le passé de trois personnages, des victimes et leur bourreau. Un face à face où se mêle folie et tragédie.

Une oeuvre que j’ai dévoré. Les personnages sont très attachants, et nous nous retrouvons à haïr cette Rosa, cet alligator, à vouloir pousser Antoine et Laura vers l’avant. Une écriture travaillée et très fluide, nous narrant des horreurs de manière simple, sans faire dans le sensationnel. L’auteure nous livre une belle fiction, un beau témoignage de ces années de peur et de ces victimes qui ont survécu, et qui survivent aujourd’hui, toujours, dans de douloureux souvenirs. Un beau livre.

Je remercie BoB et Vents d’ailleurs pour ce partenariat.

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Le sang et la mer – Gary Victor

lesangetlamerHérodiane, orpheline, vivant dans un bidonville à Port-au-Prince, rêve du prince charmant. Est-ce parce qu’une religieuse lui a lancé sur un ton haineux : Noire comme tu es, comment veux-tu que Jésus t’aime ? Ou est-ce parce que son frère, salué à sa naissance par l’écume d’une vague de mer, s’adonne à d’autres plaisirs ? Le rêve s’incarne en Yvan, riche mulâtre d’une des grandes fortunes du pays, et vire au cauchemar à la rencontre avec son oncle Paul. Si les âmes corrompues des vivants peuvent faire basculer les cœurs fragiles dans l’enfer sur terre, les rêves brisés des jeunes filles créent l’espoir d’un autre avenir.

Gary Victor revisite ici, avec la maestria qu’on lui connaît, le rêve du prince charmant à la manière haïtienne. Comment dans cette société perverse et corrompue, dans cet univers où les plus riches asservissent encore et toujours les plus pauvres, les jeunes filles peuvent venger le monde.

Avant de commencer cette chronique, je tiens à remercier BoB et Vents d’ailleurs pour ce partenariat.

Le Sang et la Mer est une magnifique histoire, celle d’une belle jeune fille pauvre vivant à Haïti, un pays fait de corruption et de haine, dont les parents meurent et qui reste seule avec son grand frère.

Elle essaye tant bien que mal de rester sur le droit chemin, celui de la dignité. Une histoire tragique qui nous raconte d’une belle manière la pauvreté et la vie débilitante que doivent vivre les habitants des ghettos soumis à l’esclavage des plus riches.

La vie d’Hérodiane est un conte et j’ai pris énormément de plaisir à lire cette oeuvre. L’écriture est belle même si j’ai trouvé que les premières pages m’ont paru fastidieuses. J’ai la sensation que l’auteur a eu du mal à « accoucher » le début, mais que, au fil de l’histoire et des pages écrites, il s’est délié.

Les images que veut nous faire voir Gary Victor sont magnifiques, Hérodiane étant au centre de deux mondes qui se confrontent constamment.

Ce roman se termine en beauté, avec beaucoup d’émotions. Un beau roman…

Je remercie BoB et Vents d’ailleurs.

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