Une nation en exil : hymnes gravés – Mahmoud Darwich et Rachid Koraïchi

nationenexilMais alors comment Rachid Koraïchi s’y est-il pris pour créer à partir des poèmes de Darwich ? Tout simplement en ne « s’y prenant pas », mais en empruntant le chemin de l’amitié, car Mahmoud Darwich, si méfiant pour sa langue, toujours aux aguets, ouvrait grandes ses portes à ceux qu’il considérait comme ses véritables amis, qui loin de vouloir se l’approprier, user et s’installer dans son oeuvre, y voyaient la belle possibilité de résonnances, d’échos se répercutant dans leurs propres vallées.Rachid fut l’un de ces amis qui jamais n’illustra les poèmes de Mahmoud, mais y trouva une terre à partir de laquelle rejoindre la sienne propre.

Avant de commencer cette chronique, je tiens à remercier Libfly et les Editions Barzakh et Actes Sud qui, dans le cadre de l’opération Deux éditeurs du Maghreb se livrent, m’a permis de découvrir ce magnifique livre.

Une nation en exil n’est pas un livre ordinaire, c’est un beau livre, imposant, regroupant le travail de plusieurs artistes. Exposé de manière partielle à chaque fois, il est pour une seule fois regroupé dans un unique exemplaire. Ce livre vous permet donc d’avoir un œil critique plus aisée et une prise de recul par rapport à l’œuvre.

Après une longue introduction nous présentant les artistes, les différentes rencontres et les motivations qui les auront poussés les uns et les autres à créer.

Cette exposition prend racine dans les poèmes de Mahmoud Darwich qui écrit sur la Palestine, la mort et l’amour, écriture débutée dans les années 60. Rachid Koraïchi propose une interprétation de ces poèmes par des gravures. Non pas des gravures banales, mais des gravures écrites. Il transmet ses émotions à la lecture de la poésie en remplissant l’espace par la langue écrite. Ces signes qui forment l’écriture sont pour lui l’aboutissement de la langue, il décide de se les approprier, des les sortir de leur contexte. Il utilise dans son œuvre les signes arabes, mais aussi asiatiques, ou encore invente des hiéroglyphes.

Enfin, les derniers artistes, Hassan Massoudy et Kamel Ibrahim, retranscrivent les poèmes en les calligraphiant. Retrouver les poèmes sous leur forme originale et les contempler calligraphiés change la forme graphique du poème, bien que l’écriture soit déjà très graphique, lui donne presque une nouvelle vie, ou plutôt, une vie différente. Le poème vit par lui-même, la calligraphie lui donne une nouvelle dimension. Ce livre regroupe donc l’écriture, la création littéraire, son interprétation graphique et sa réécriture graphique. Mahmoud Darwich débute donc une œuvre que Rachid Koraïchi, Hassan Massoudy et Kamel Ibrahim finalisent, transcendent, lui donnent une ampleur totale. Une nation en exil, l’exposition, ne propose pas uniquement un genre particulier. Si nous admettons que l’art est un rond, l’écriture s’installerait en son centre, la calligraphie serait  sa périphérie, et la gravure compléterait jusqu’à la circonférence. L’exposition n’occupe pas uniquement une partie de ce rond, elle s’y installe dans sa totalité.

Une belle œuvre réunie dans ce livre d’art, originale et complète.

Je remercie Libfly et les Editions Barzakh et Actes Sud pour ce partenariat.

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