« – Le diable ? A quoi le reconnaîtrez-vous donc, votre diable ?
Le professeur avait pris un air effrayé.
– Ses actes parleront pour lui. Et s’il le faut, s’il faut d’abord en faire un prince du mal avant de le sacrifier, s’il faut le porter au pinacle pour mieux l’en faire descendre, eh bien nous le ferons. De son règne jailliront les gisements d’encre brute, de ses crimes éclatera l’apocalypse annoncée, comme l’a prédit l’oracle… »
Al-Majid, l’assassin appelé à devenir le futur raïs de Babylone, s’entretient en prison avec l’évangéliste Lindsay Steward, à la solde des services secrets américains, lui aussi condamné à mort… Il vient de comprendre que tuer ne suffit pas à conjurer le sort. À l’oracle de la Bible, il va devoir opposer sa propre malédiction. La main qui tue sera aussi celle qui écrit…
Un conte des Mille et Une Nuits transposé dans l’Irak de Saddam Hussein sur fond de guerres et de coups d’État sanglants.
Dans un pays du moyen-orient, l’Irak, le destin de deux amis qui vont tracer l’histoire d’une nation. Le premier, Sharif, poète, enrôlé dans l’armée de force, combat la violence physique, des armes et du sang, par les mots. Le deuxième, un ami d’enfance, Al-Majid, fils de putain, assassin et voleur, violé dans son enfance et haineux de l’étranger, paranoïaque, devient celui qui fera sombrer cette nation en devenant le Raïs.
Jérôme Baccelli propose ici un texte poétique, digne d’un conte des Milles et une nuit, dans un pays ravagé par la guerre et la famine. Il y présente l’accession, à peine voilée, du dictateur Irakien et des horreurs qui s’ensuivirent pendant plusieurs décennies. Al-Majid, en quête d’une reconnaissance honnête, tente sans succès d’écrire un roman, son roman, celui de sa vie. La guerre de huit ans et sa paranoïa, dépouillant le pays de sa jeunesse et de ses artistes, laisse un pays exsangue, dans le seul but de pouvoir créer à partir du réel. Quant à son ami d’enfance, enrôlé, héroïque malgré lui, allant combattre en citant des vers ,emprisonné pour corriger, réécrire, le roman du dictateur.
Avec une écriture magnifique, l’auteur, avec beaucoup de poésie, conte l’accession d’un dictateur, des horreurs perpétrées par des guerres incessantes, le meurtre et le viol, et de ce destin de deux hommes, tous les deux enquête d’une reconnaissance, mais qui tente d’y accéder avec les moyens qu’ils connaissent et qu’ils possèdent, l’un c’est avec un poignard, l’autre avec une plume. Ce besoin d’être reconnu est incessant. Le dictateur souhaite se détacher de sa haine pour les hommes qui l’ont violé, de sa paranoïa qui le fait douter de ses généraux, conseillers, amis ou même famille. Le soldat idéalise le rêve d’être lu et adulé, mais son seul public sera le seul homme qu’il essaye de combattre.
Un roman original et… qui en devient effrayant. Imaginer que des millions de vies ont été brisées, par la mort, par le viol, pour le seul plaisir d’un seul homme qui avait un rêve d’enfant, celui d’être aimé, tout simplement.
Je remercie Babelio et Pierre Guillaume de Roux pour ce partenariat.